Extrait du Dictionnaire international des Folkloristes Contemporains, t. I, pp. 40-41, H. Carnoy, Paris :

CARNOY (Émile, dit Henry) né à Warloy-Baillon, Somme, le 12 mai 1861, professeur au lycée Montaigne, A., O., directeur de la Tradition, de la revue Les Enfants du Nord, de la Collection internationale de la Tradition, etc. membre honoraire de plusieurs sociétés de Folklore, membre des Sociétés : les Rosati, les Enfants du Nord, l'Union artésienne, les Francs Picards, la Betterave, etc. etc., Homme de lettres, publiciste et folkloriste.

Pseudonymes : C. de Warloy, Gilbert Merlé, C. de W., Raoul de Citoles.

Adresse : 128, Boulevard du Montparnasse, Paris, et, l’été, Villa Élie, Warloy-Baillon, Somme.

M. Henry Carnoy appartient, par la lignée paternelle, à une ancienne famille noble de Picardie, les sires de Carnouë, Carnoye ou Carnoy, dont les représentants s’illustrèrent dans la carrière des armes du xiie au xviie siècle. (Cf Ms de d’Hozier, Bibl. nat.). À la fin du xviie siècle, Jean de Carnoy, ruiné par les guerres successives qui avaient ensanglanté la région, se retira à Senlis, près d’Ancre (aujourd’hui Albert) et devint la souche de la famille actuelle. Une des branches, fixée en Belgique, compte parmi ses membres deux savants distingués. Par sa mère, M. Henry Carnoy descend d’une vieille famille de pasteurs protestants, les Merlé dont le nom est resté populaire jusqu’au commencement de ce siècle.

M. Henry Carnoy, né de parents peu fortunés, dut faire à peu près seul, jusqu’à sa quinzième année, son éducation littéraire et scientifique. Grâce à l’obligeance d’un voisin, un lettré de campagne qui possédait une bibliothèque importante, il étudia les classiques anciens et modernes, l’histoire générale, les œuvres des grands écrivains de toutes les époques. Dès l’âge de 14 ans, il collabora à plusieurs journaux locaux. Il étudia la botanique, pour laquelle il s’était pris de belle passion, et forma un superbe herbier qui, complété plus tard, est aujourd’hui entre les mains d’un excellent botaniste, M. Arsène Guilbert, de Guerbigny, Somme.

En 1877, le hasard mit entre ses mains le premier numéro de la revue de Folklore, Mélusine, que MM. Guidoz et Rolland venaient de fonder à Paris. Encouragé par M. Eugène Rolland, par MM. Gaston Paris et Loys Brueyre, auxquels il a voué une profonde reconnaissance, M. Carnoy collabora activement à la Mélusine, puis à la Romania. En 1878, M. Carnoy vint à Paris continuer ses études. En avril 1883, par faveur spéciale, le vice-recteur de l’Académie de Paris le déléguait dans les fonctions de professeur au Lycée Louis-le-Grand. Il fut nommé définitivement en octobre 1891, par le ministre de l’Instruction publique, comme professseur au Lycée Montaigne (section de Louis-le-Grand).

Entre temps, M. Henry Carnoy avait publié dans la collection des Littératures populaires de toutes les nations un volume : Littérature orale de la Picardie (Tome XII de la Collection ; Paris Maisonneuve, 1883), qui, sur la proposition du distingué philologue M. Victor Henry, fut honoré d’une grande médaille d’or de la Société des Sciences, Lettres et Beaux-Arts de Lille. Depuis, M. Carnoy a publié successivement : Contes français (1 vol. in-18 ; Paris, 1885 ; Ernest Leroux, éditeur) ; L’Algérie traditionnelle ; contributions au Folk-Lore des Arabes ; Tome I (1 vol. in-8 ; Paris et Alger, 1885 ; en collaboration avec M. Alphonse Certeux) ; Traditions populaires de l’Asie Mineure (1 vol. in-8 écu ; collection des Littératures populaires de toutes les nations ; Paris, 1889 ; en collaboration avec M. Jean Nicolaïdes) ; Les Contes d’animaux dans les romans de Renart (1 vol. in-18 ; T. I de la Collection internationale de la Tradition ; Paris, 1890 ; aux bureaux de la Tradition) ; le Folklore de Constantinople (in-8 ; Paris, 1892) ; Traditions populaires de Constantinople (in-18, Collection internationale de la Tradition ; Lechevalier).

M. Henry Carnoy a collaboré ou collabore à un grand nombre de journaux et de revues français et étrangers : la Revue libérale, la Revue générale, la Revue de l’Histoire des Religions, Mélusine, la Revue des Traditions populaires, la Romania, le Journal of Gipsy-Lore Society, la Zeitschrift für Volkskunde, la Revue du Nord, l’Opinion, l’Estafette, la Flandre libérale, etc., etc.

En 1887, il a fondé : la Tradition, revue générale de Folklore, qui vient d’entrer dans sa 9e année et qui a groupé autour d’elle un grand nombre de folkloristes de tous les pays. En 1889, M. Carnoy fit partie de la Commission des Congrés à l’Exposition universelle. Il fonda peu après la Collection internationale de la Tradition (14 vol. publiés à ce jour). Enfin, en 1894, il a commencé la publication du Dictionnaire international des Folkloristes.

Comme écrivain, M. Carnoy a publié pendant cinq ou six années dans l’Opinion et dans l’Estafette plus de quatre cents nouvelles ou chroniques littéraires dont une partie a été reproduite en volumes. Presque toutes ces nouvelles ont été, à l’époque de leur publication, traduites dans les principales langues de l’Europe. Comme romancier, M.  Carnoy a publié : La Nuit de Noël (in-8, illustré ; Paris, Quantin, 1886 ; 3e édition) ; Hans Mertens (id. id. 1887, 3e édition) ; Contes bleus (in-18 ; Paris, Dupret, 1887) ; Jacob Mauser (1893). On lui doit également un ouvrage dont le succès n’est pas arrêté : Les Légendes de France (in-4, illustré ; Paris, 1885, Quantin), et une trentaine d’albums en couleur qui ont propagé dans la jeunesse le goût des vieilles légendes nationales (Quantin, 1885-1892).

M. Carnoy a traduit de l’anglais les Études traditionnistes d’Andrew Lang (Coll. intern. de la Tradition, T. VI). De ses Légendes de France, M. Philéas Lebesgue a tiré un beau poème symbolique : La trêve de Dieu.

M. Henry Carnoy est le créateur d’un important mouvement littéraire et artistique dans le Nord de la France. Depuis six années, il n’a cessé de lutter pour amener à un groupement régional analogue à celui des félibres et des cigaliers du Midi, ses compatriotes originaires des anciennes provinces de Picardie, d’Artois, de Flandre et du pays Ardennais. Ses efforts ont été couronnés de succès. Aujourd’hui, une dizaine de Sociétés septentrionales comptant 2.000 adhérents existent à Paris. Des sections se fondent sur tous les points de la région picarde. Des écrivains de valeur, inconnus la veille, se révèlent au grand public. Les jeunes, artistes, poètes ou travailleurs, sont encouragés. Après avoir fondé dans ce but, avec M. Alcius Ledieu, la Revue du Nord de la France (1890-1891), M. Carnoy a, en 1893, publié la revue mensuelle : Les enfants du Nord qui groupe la plus grande partie des écrivains, des érudits et des artistes du Nord de la France et même de la Belgique. Comme complément à sa revue, M. Carnoy publie chaque année, depuis 1893 un Arména-Annuaire des Enfants du Nord auquel il a joint une Bibliothèque artistique et littéraire et le Dictionnaire biographique des Hommes du Nord.

Aux élections législatives du 20 août 1893, M. Henry Carnoy avait posé sa candidature progressiste dans la 2e circonscription d’Amiens, contre MM. Levecque et Morel. M. Levecque fut élu.

Consulter : Dictionnaire Larousse : Arména des enfants du Nord, 1895 ; Dictionnaire international des écrivains du Jour d’A. de Gubernatis, et plusieurs portraits et caricatures dans la revue : Les Enfants du Nord.

[Fin de l’extrait du Dictionnaire international des Folkloristes Contemporains, H. Carnoy, Paris, sans date]

J’ajouterai, la modestie de M. Henry Carnoy en eût sans doute souffert, que ce dernier resta un hyperactif du porte-plume et ce jusqu’à sa mort, survenue à Paris le 22 septembre 1930. La publication du Dictionnaire biographique international des folkloristes, des voyageurs et géographes s’acheva en 1902 ; entre 1894 et 1905 parurent, toujours sous sa signature, 22 dictionnaires biographiques concernant divers groupes de personnalités : médecins, artistes, collectionneurs, écrivains, ingénieurs, naturalistes, physiciens, chimistes, etc.

De plus, je crois que, selon toute vraisemblance *, Henry Carnoy est l’un des auteurs (avec son complice Alcius Ledieu) des volumes X et XI de Kryptadia, recueil de documents pour servir à l’étude des traditions populaires. Ces contes picards de « haulte graisse »  publiés sans nom d’auteur, de 1907 à 1912, étaient destinés à rester dans « l’enfer » des bibliothèques. Il en existe une réédition en un seul volume : Contes picards, Slatkine Reprints, Genève, 1978.

Jean-Pierre Calais
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* dans le Dictionnaire international des écrivains du Jour d’A. de Gubernatis (Paris, 1891), par exemple, on peut lire à la page 522 :
« M. Carnoy prépare un roman de mœurs : Madeleine Girard, des Contes de Corps de Garde et un volume sur les traditions de Constantinople. »